Biographie "Vu par les magazines photos"

« Mon rêve serait d’être photographié par Jean-François Jonvelle. Pensez-vous qu’il acceptera ? Pourriez-vous m’aider à le joindre ? » Et pour la 1ere fois depuis plus de trente ans, nous avons répondu : « Non mademoiselle, c’est impossible. » Jonvelle est mort le 16 janvier, et tout PHOTO a le cœur gros. Il n’appellera plus pour commenter les pages du dernier PHOTO comme il le faisait chaque mois et il ne passera plus à la rédaction nous raconter ses histoires qu’il ponctuait d’éclats de rire. Jean-François Jonvelle a révolutionné la photo d mode en faisant voler en éclat le vernis des mannequins pour rendre les filles naturelles, sexy et…accessibles. Accessibles comme des copines, c’est aussi la griffe de Jonvelle dans l’univers de la photo de nu. Son regard voyeur et terriblement amoureux a saisi les femmes dans leur intimité, dans des attitudes qu’elles offrent sans le savoir à leur plus proche compagnon. Et si les hommes ont craqué pour ses photos, les femmes ont découvert qu’elles pouvaient être belles sans être sophistiquées, et là ou elles s’y attendaient le moins. Jonvelle est d’ailleurs, depuis la sortie de son livre « Celles que j’aime » en 1983, le photographe de charme le plus cité par les femmes quand on leur demande pour qui elles aimeraient poser. Nous aussi on l’adorait. Comme tous ses compagnons de route qui sont venus lui dire au revoir, ici, dans nos pages hommages.

MODE

Il a inventé une mode sans fard, sexy, qui célébrait les plaisirs de la vie de tous les jours.
En 1963, Jonvelle a écrit à Richard Avedon pour lui dire combien il aimait ses photos, précisément pour une série qu’il venait de faire avec Ava Gardner et Mike Nichols pour Harper’s Bazaar. Sur l’enveloppe il a tout simplement écrit : Harper’s Bazaar, New York, USA. Charmé par autant de spontanéité, Richard Avedon a appelé Jonvelle pour lui proposer d’être son assistant pendant le sejour qu’il devait faire à paris pour les collections. De vingt ans son aîné, Avedon, qui travaillait déjà avec les plus grands mannequins comme Jean Shrimpton et Twiggy à l’époque, savait parler aux filles pour obtenir le meilleur d’elles mêmes. Jean-François a retenu la leçon. En 1965, Jean Widmer, le directeur artistique du Jardin des Modes, lui a commandé ses premières photos de mode. Ensuite le magasine 20 ans pour lequel il a travaillé pendant 5 ans, puis Nova, la revue anglaise qu’il considérait comme la meilleure de toutes, et qui a rayonné de 1965 à 1975. A l’époque, il y avait de l’enthousiasme. C’était Londres, la musique, Carnaby Street…. La liberté sexuelle. La société partait dans tous les sens mais les choses étaient plus faciles.
Jean-François Jonvelle a travaillé avec beaucoup de magasines de mode comme Marie-Claire, Vogue anglais, Vogue Américain, Elle, Cosmopolitan, etc. Il n’aimait pas le coté apprêté de la mode. Il voulait lui enlever son coté carcan. Il prenait les filles avec les gestes, les attitudes de moment d’abandon naturel. La mode à la Jonvelle était sexy. Il voulait que les filles qu’il avait choisies soient aussi désirables que les tops models en plus accessibles. Il n’aimait pas les studios non plus. Il pouvait aller chez l’épicier du coin pour réaliser sa photo. Son ami Jacques Bergaud de PIN-UP, disait qu’il était « le roi du nu domestique ». Il aurait pu utiliser cette formule pour toutes les séries de modes qu’il a faites.

NU

« Une femme qui se sent belle est la plus belle femme du monde ! » disait-il et devant son objectif le miracle s’accomplissait.
« je me sens photographe par passion et je ressens plus spécialement une passion irrésistible pour la femme »… »je suis de plus en plus amoureux » disait-il. « Femmes, je vous aime » aurait-il pu chanter avec Julien Clerc.
Avec la photographie de nu, qu’il ne faisait qu’en noir et blanc, Jonvelle nous montre l’intimité. L’intimité des femmes, ou plutôt, il en capte les moments fugitifs, les gestes, les attitudes. Le charme qu’elles déploient, même à leur insu, pour séduire les hommes. Parce qu’il aime les femmes qui aiment les hommes, bien sur. Il a besoin de leur complicité pour traduire le « langage » de la séduction. Comme il fonctionnait à l’instinct, et qu’il aimait rire, il faisait le pitre sans arrêt. C’était sa façon de mettre à l’aise les filles qu’il allait photographier mais les gens en général aussi, parce qu’il aimait les gens. Il aimait la vie. Autant d’hommes que de femmes ont adoré son premier livre « celles que j’aime ». Les femmes ne rêvaient que d’être prises en photo par lui, elles savaient qu’il les aurait rendu belles et sexy. Quant aux hommes, ils réalisaient tout d’un coup que leur petite amie pouvait être sublime alors qu’a priori elles n’avaient rien d’un mannequin justement. Bernard Chapuis, un de ses amis, journaliste, a écrit comme introduction de ce livre épuisé sorti aux éditions Filipacchi en 1983 : « A demi vêtues d’un tee-shirt, d’une culotte, de chaussettes, de draps de lit, de chaussures, d’une serviette sur la tête…
On imagine chacune de ces femmes marchant dans la rue, sortant du métro, descendant d’un taxi, achetant des cigarettes au tabac, écoutant les nouvelles à la radio… » Il nous fait vivre l’érotisme au quotidien. Sans maquillage outrancier, ni garde-robes de princesse. Ses photos nus ressemblent à ses photos de mode, ou plutôt, il traite la mode comme le nu, car ce sont toujours ces gestes, ces attitudes naturelles qui comptent pour lui, plus que les poses. Il préférait ne pas travailler avec des mannequins professionnels qui à ses yeux avaient perdu toute spontanéité. Quand il ne pouvait pas faire autrement, il devait leur dire tout ce qu’il attendait d’elles, parce qu’elles ont totalement oublié ce que naturel veut dire. Bien qu’elles soient nues, les femmes, qu’il a photographiées, sont restées pudiques. Il n’y a jamais ni voyeurisme, ni indécence. « ce que j’aime chez une femme, ce n’est pas tant ses charmes que son charme « disait-il. « La femme représente mon travail et ma vie. » Jonvelle était trop amoureux et respectueux des femmes. Il avait besoin de leur complicité pour les rendre belles. Et il savait les rendre belles, désirables même, car il savait qu’ »une femme qui se sent belle est vraiment la plus belle femme du monde. » Alors Jean-François Jonvelle faisait tout pour arriver à cela, et il parvenait plutôt bien. Il charmait à sa façon, en les faisant rire, bien sur !

PUB

Ses premières campagnes de publicité datent des années 70. C’est Joël Le Berre qui l’a sollicité pour levi’s en premier. Il a travaillé à la chambre mais il n’avait pas bien vissé la plaque. Les pieds sont sortis flous et il a fallu recommencer. Pour la 2eme campagne levi’s, il s’agissait d’une photo de mariage. Il y avait cinquante mannequins disposés sur plusieurs niveaux. Les gens devaient rire, montrer de la joie. Avec autant de personnes, c’est très difficile de faire rire tout le monde en même temps. Pour y arriver, Jean-François a fini par se déculotter, au sens propre du terme, et ça a marché ! Puis, dans le désordre, ont suivi les campagnes pour Banga, Dunlopillo, Woolmark, Dim, le Club Méditerranée, Huit, Les Galeries Lafayette, Yop, Mobalpa, Empreinte… En 1981, Joël Le Berre et Pierre Berville lui commandent la campagne d’affichage Avenir, avec Myriam et son « Demain, j’enlève le haut » : succès fou ! Il dit lui-même que « la pub lui a imposé d’autres cahiers des charges, lui a appris a être exigeant et sélectif dans ses choix pour la lumière, le casting, le stylisme… ». Et il s’est mis a voyager pour trouver la lumière des photos en couleurs qu’il faisait pour la pub. Il est allé chercher le soleil à l’île Maurice, aux Seychelles, mais aussi à Miami, et pour d’autres raisons à New York. Mais il n’aurait jamais voulu y vivre comme certains photographes l’ont fait à une époque pour leur carrière. L’an dernier, Jonvelle avait réalisé le visuel de la campagne de prévention du cancer du sein.

STARS

Ce sont elles qui venaient vers lui pour lui confier leur image. Et meme des hommes ! Ce qui l’amusait beaucoup.
Quand il a décidé de faire de la photo sérieusement, ou plutôt à plein temps, Jean-François a travaillé pour Lipnitski pour qui il a passé des nuits à photographier des actrices et des acteurs aux premières de théâtre et de cinéma. Mais c’était il y a très longtemps. Une fois qu’il a trouvé son style, que ce soit dans la mode ou pour ses photos personnelles, il a fait la même chose avec les personnalités du monde des arts. En devenant complice de son modèle, comme de ses mannequins, il attendait le sourire, le geste, l’attitude, le regard qui lui parlerait suffisamment pour appuyer sur le déclencheur. Dans son livre « Balcons », il a photographié les décolletés de Clotilde Courau, Mathilde Seigner, Agnès Jaoui, Natacha Regnier, Catherine Jacob, marie Gillain, Karine Viard, Marianne Groves… qui portaient toutes une robe de Nathalie Garçon. Sandrine Bonnaire a fait la couverture de Photo en 1986. Jonvelle a peu photographié les hommes et pourtant, ce qui le faisait beaucoup rire, ce sont ceux qui demandaient à être pris en photo par lui ; Etienne Chatillez pour la sortie de son film « Tanguy ». Une année, le magasine CB News lui a même commandé le portrait des hommes de l’année. Et ça faisait mâle !
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